A. (A.) O. Q.-2 Les films d’André Forcier

Analyses (Amoureuses) d’œuvres québécoise-2 : Les films d’André Forcier

Par anthropologue en liberté

UNE ŒUVRE VRAIMENT UNIQUE

Impossible de ne choisir qu’un seul des films de Forcier : l’œuvre de ce créateur hors norme foisonne de bijoux exotiques qui brillent comme autant d’étoiles dans le ciel souvent gris du cinéma d’auteur au Québec.

C’est mon cinéaste préféré. J’allais dire mon cinéaste québécois préféré, mais non, c’est mon meilleur au monde! André Forcier, qui écrit tous ses scénarios, a 72 ans, et fait des films depuis que je suis née, soit presque 50 ans. Son œuvre occupe une place unique, à part, dans le paysage cinématographique québécois. Il faut dire que lui aussi reste un peu marginal. Avec son air bourru, plus d’un journaliste culturel l’a trouvé difficile d’approche. J’ai eu la chance de mon côté d’avoir avec lui une longue conversation téléphonique il y a quelques années. Il avait été d’une grande gentillesse et s’était montré très disponibleJ’écrivais alors un texte au sujet de son film Je me souviens pour un collectif sur le Québec et l’Irlande que je dirigeais avec mes collègues Simon Jolivet et Linda Cardinal. Le personnage central du film, un Irlandais exilé en Abitibi à cause de la partition de l’île et joué par Roy Dupuis, parle irlandais, et va l’apprendre à une petite fille jusque-là muette. J’avais trouvé la métaphore merveilleuse.

C’est dans les années 90 que j’ai découvert son cinéma, avec ses films sortis pendant cette décennie : Une histoire inventée (1990), dans lequel Jean Lapointe joue un trompettiste amoureux de la fille (Charlotte Laurier) d’une ancienne flamme (Louise Marleau) qui elle, est constamment suivie par une cohorte d’admirateurs confondus d’amour. Vient ensuite Le vent du Wyoming (1994), une autre histoire déjantée misant également sur une étrange relation mère-fille, jouée par la fille de Louise Marleau, Sara-Jeanne Salvy (depuis devenue docteure en psychologie!) et France Castel. Puis La comtesse de Bâton Rouge (1998), où se déroule deux histoires d’amour parallèles jouées par deux couples d’acteurs mais représentant au final une seule histoire, se tramant dans un cirque ambulant en Louisiane. Robin Aubert, dans un de ses premiers rôles, y joue l’alter-ego de Forcier.

LES FLEURS OUBLIÉES

Plusieurs films ont suivi depuis. Le dernier en date, Les fleurs oubliées, fait se croiser une romance qu’aurait eue le frère Marie-Victorin (romance qui s’avère en partie fondée, bien que non consommée, comme le montre la publication récente d’un important échange épistolaire du fondateur du Jardin Botanique avec Marcelle Gauvreau, son assistante) et les tribulations d’un séduisant vagabond autosuffisant, producteur d’un hydromel magique fabriqué avec des fleurs phosphorescentes, qu’il vend aux bourgeoises de la Rive-Sud. Bien calée dans mon fauteuil de cinéma, j’ai joué le jeu un moment et cru que le monde pouvait être semblable aux folles couleurs de vie concentrées proposées par le créateur, avec des méchants vendeurs de pesticides qui finissent par se faire descendre par des travailleurs mexicains, des punks cultivant sur des toitures en ville, et d’immenses rochers de la Côte-Nord d’où coule le meilleur hydromel au monde.

UN PUR RAVISSEMENT

Car les histoires d’André Forcier ont beau être complètement déjantées, elles n’en sont pas moins ancrées dans une réalité toute québécoise et parfois dans une actualité mondiale inquiétante. Mais les scènes uniques et « flyées », que l’on dit inspirées du réalisme magique, rendent étrangement les réalités du monde plus vraies que vraie…

Fidel à ses acteurs, ceux-ci le lui rendent bien : comment ne pas vouloir jouer ce jeu de pur ravissement et de création totalement libre! Voir un film de Forcier, c’est comme de participer à une fête improbable dans laquelle les personnages imaginés par l’auteur nous offrent un verre décoré d’un petit parapluie rose et vert, et découvrir que le breuvage en question s’avère beaucoup plus qu’un autre drink sucré : il s’agit d’un élixir de réjouissance.

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