Analyses (Amoureuses) d’œuvres québécoise-1 En direct de l’univers
Par anthropologue en liberté
Ceux qui me connaissent savent qu’une des choses que je préfère dans la vie est de parler de culture. Pas de façon abstraite, mais très concrètement, en plongeant au cœur d’œuvres qui me font vibrer. Vaste sujet car, comme je ne suis pas une snob de la culture et que je consomme pratiquement de tout, des productions télévisuelles grand public aux classiques de la littérature, en passant par la chanson pop, les films d’auteurs et l’art contemporain, le bassin de mon enthousiasme est sans fond.
Voilà pourquoi j’ai décidé de m’amuser un peu avec cette inclination : au lieu d’embêter chum, amies et famille avec mes intarissables tirades amoureuses sur tel auteur ou tel film, je VOUS propose de petits textes traitant de coups de cœur pour des œuvres de tout acabit. Oui, que des artistes que j’aime. La vie est trop courte pour parler des autres. Aussi, le Québec étant un terrain de jeu unique en termes de productions culturelles, les œuvres québécoises me permettront de combiner deux passions : la société québécoise et les œuvres de ses créateurs.
J’ai choisi pour cette première analyse (amoureuse) d’une oeuvre québécoise, ou A.(A.)O.Q, de parler de l’émission « En direct de l’Univers », qui rend bien compte d’un style de production télévisuelle typique d’ici : un travail d’équipe incroyable menant à des résultats surprenants avec des budgets minimes pour ce type d’émission. C’est l’épisode spécial du jour de l’an 2019, qui fut pour moi la meilleure émission de la soirée du 31 décembre, qui m’a inspiré ce choix, mais je ferai des retours sur d’autres épisodes, histoire de bien faire comprendre aux non-initiés l’unicité de cette proposition.
Le concept
L’émission a comme projet de présenter l’univers musical d’un invité, une personne connue du public pouvant provenir de différentes sphères : showbiz, journalisme, sport, etc. Il faut dire d’abord que l’émission n’est pas conçu pour les rabat-joies ou les cyniques : En direct de l’univers est un geyser d’amour et constitue une fontaine de joie qu’il faut prendre au premier degré. Cette joie est associée tant au plaisir de voir des gens surpris et touchés droit au cœur par des numéros uniques représentant leurs goûts et préférences, qu’à la qualité exceptionnelle du spectacle musical qui nous est offert. Des musiciens, des choristes et des danseurs au sommet de leur art offrent chaque semaine des performances inoubliables d’une grande qualité, soutenant les numéros montés spécialement pour l’invité(e). L’émotion est au rendez-vous à chaque tournant car plusieurs performances sont effectuées par des non-artistes, des gens proches de l’invité(e), parfois collègues, parfois amis, enfants, conjoint, frère, mère, etc. Ces numéros donnent lieu à des moments intenses où, toujours, la magie opère. La notion de surprise est centrale aussi pour le spectateur qui, mise à part la personne à qui on consacre cette soirée, ne sait rien de ce qui constituera l’émission quand il choisit de la regarder le samedi soir.
Un show vraiment unique
La particularité de l’émission ne tient pas seulement à son contenu. En direct de l’univers est un « one shot deal », c’est-à-dire qu’elle est enregistrée et diffusée une seule fois, en direct le samedi soir à sept heure. En effet, à cause des multiples droits d’auteurs associés aux pièces musicales jouées en ondes qui proviennent de partout dans le monde et souvent d’artistes internationaux, une rediffusion, ou la possibilité de revoir l’émission sur internet, seraient beaucoup trop onéreux pour la production. Car le seul numéro d’ouverture amalgame parfois cinq ou six pièces musicales, en plus des sept ou huit autres numéros et des extraits de chansons joués en fin d’émission, lorsque tous ceux qui ont livré une performance dans l’heure précédente sont de retour sur scène avec l’animatrice et l’invitéE et font un dernier tour de piste dans cet esprit festif qui rappelle les plaisirs d’un rassemblement autour d’un feu de camp. C’est donc, fait rarissime, à un rendez-vous télévisuel « unique » auquel nous sommes conviés.
Spécial jour de l’an 2019
Les émissions spéciales comme celles du jour de l’an, et celles aussi consacrée à la rentrée d’automne, constitues des exceptions en ce qu’elles sont enregistrées d’avance. En effet, dans ces cas, il y a plusieurs invitéEs qui, ne sachant pas qu’ils feront partie de l’émission, sont « kidnappés » le matin de l’enregistrement avec la complicité de leur entourage. France Castel, Patrice Michaud, Maripier Morin, Jay Du Temple et Luc Dionne étaient les invités du spécial jour de l’an cette année, rejoint par trois autres plus tard dans l’émission car, dans un coup de théâtre inattendu, Rémi-Pierre Paquin, Magalie Lépine-Blondeau et Alex Perron ont aussi rejoint le plateau, encore étonnés d’être propulsés au cœur de l’événement. Pas moins de 46 autres invitéEs, eux tout à fait préparés et prêts à briller à l’exact moment venu, ont mis leur grain de sel, et parfois une partie de la salière, selon les cas, pour offrir le cadeau de leur présence et de leur talent aux invités, plus particulièrement à l’un ou l’une d’entre elle avec qui le lien est significatif. Parmi les remarquables numéros de cette soirée, celui des chanteurs Steph Carse et son Achy breaky dance datant de 25 ans et Claude Cobra avec le hit de 2019 Coton ouaté, fut mémorable, avec une mise en scène évoquant une bataille de tounes où la danse et l’humour était à l’honneur. Un autre numéro exceptionnel a été cet ensemble vocal composé de Gregory Charles et de sa fille, de Martin Deschamps et de la sienne aussi, de Guylaine Tanguay et sa mère, de Martin et Gabrielle Fontaine (la nouvelle Passe-Partout), de Mathieu Gratton et son fils autiste Benjamin, et plein d’autres, représentant à la fois le bonheur d’être ensemble et la possibilité d’intégrer les différences à l’écran, comme dans la vie. Personnellement, c’est la présence de Koriass rappant son 5 à 7, et celle de Michel Faubert chantant La jument de Michaud, une vielle ritournelle bretonne, qui m’a particulièrement ravie, mais l’enchantement ne cesse jamais d’arriver dans cette parade d’amour et de musique live où les ego des vedettes se mettent impérativement à off.
Moments marquants
Je pourrais encore écrire des pages sur cette émission, mais je m’en tiendrai à un dernier paragraphe. Après des années d’existence, il est impossible de résumer le plaisir que j’ai à regarder En direct de l’univers le samedi soir, comme une grande messe-surprise où tout est possible. Je retiens ici trois moments magiques : Say it ain’t so Joe, chanté par son auteur original Murray Head pour une Pascale Bussière ébahit car oui, il arrive régulièrement que la production fasse venir des vedettes internationales à l’émission; la fois où Wyclef Jean, ancien Fugees, a chanté et dansé avec Magalie Lépine-Blondeau et, plus récemment, la fois où les enfants de Sébastien Delorme se sont fait surprendre, tout comme leur père, suite à l’arrivée de Big flo et Oli sur la scène de l’émission alors que le garçon et la fille de notre Poupou national venaient de lui offrir une prestation où ils chantaient justement une pièce du duo français ultra populaire chez les ados. Constater leur vive émotion et leur plaisir a fait le nôtre. Ces moments n’ont pas de prix.
En fait, c’est le pouvoir rassembleur de la musique qui est à l’honneur dans cette production culturelle, cette œuvre télévisuelle qui ressemble au Québec que j’aime, et qui le rassemble aussi, sous la main de maître de France Beaudoin et son talent, son sang-froid, et sa concentration exceptionnelle, et d’une équipe de l’ombre qui réunit de toute évidence des gens ultra compétents et dédiés à la réussite de chacune des émissions, toutes des tours de force éphémères qui, fait rare, n’existent pas sur internet. Des petits bijoux de bonheur, des célébrations toujours inventives et renouvelées de la vie, et de l’ici, maintenant. Chapeau.
Laisser un commentaire